- JACHÈRE
- JACHÈREJACHÈRELes techniques agricoles traditionnelles n’assurent pas la régénération des sols. Il faut les laisser reposer faute de fumure suffisante ou de légumineuses fixant l’azote. En outre, les céréales, fondamentales dans les agricultures archaïques, viennent mal plusieurs années de suite sur la même parcelle (les rendements ne rémunèrent plus la semence). La jachère, abandon simple ou bénéficiant de légères façons culturales, intéresse toutes les régions du globe: bassin méditerranéen, Afrique aride et pluvieuse, Amérique, Inde. La nature du sol a aussi son importance, les sols acides s’épuisant le plus vite. Sur les sols marno-calcaires, la jachère ne dure qu’un an, chassée facilement par une fumure pourtant faible. En Europe, l’assolement triennal obligatoire avait institutionnalisé la jachère, une sole lui étant réservée chaque année, servant de parcours aux troupeaux. Universel jadis, encore répandu dans les campagnes archaïques, le repos temporaire du sol a donné lieu à des perfectionnements. La jachère morte consiste en un simple abandon du champ. En forêt tropicale, la jachère forestière dure de cinq à vingt-cinq ans après le brûlis. La jachère vive ou cultivée permet d’obtenir de faibles quantités de fourrages ou de grains médiocres (petit mil, fèves, pois chiches en Afrique). La jachère herbeuse , avec pousse d’herbes spontanées pâturées sur place, peut durer quatre ou cinq ans. Dans les régions d’hiver doux de la péninsule Ibérique elle forme un pâturage abondant. En Afrique sèche, on régénère la brousse par le feu pour avoir de l’herbe tendre. Le procédé de la jachère labourée , connu déjà à Rome, permet d’aérer le sol, de favoriser l’action des bactéries et le stockage de l’eau sous pluviométrie irrégulière.• XIVe; gaschiere v. 1200; lat. médiév. gascaria, gallo-rom. °ganskaria, rad. gaul. °gansko « branche, charrue »♦ État d'une terre labourable qu'on laisse temporairement reposer en ne lui faisant pas porter de récolte. Champ en jachère. Alternance de culture et de jachère. ⇒ assolement. — Fig. Laisser, mettre qqn, qqch. en jachère : laisser inexploité, ne pas en tirer parti.♢ Terre en cet état. ⇒ guéret. Labourer des jachères.⊗ CONTR. 1. Culture.Synonymes :- friche- guéret- landejachèren. f. état d'une terre que l'on s'abstient temporairement de cultiver pour permettre la régénération du sol. Terre en jachère.— SYLVIC Jachère forestière: état d'une parcelle de forêt tropicale qui a été temporairement défrichée et cultivée, et sur laquelle on laisse la forêt repousser.⇒JACHÈRE, subst. fém.A. — État d'une terre labourable qu'on laisse reposer temporairement en ne lui faisant pas porter de récolte afin qu'elle produise ensuite abondamment. Jachère annuelle, complète; jachère d'été, d'hiver :• Je ne la [la terre] fatigue pas. Je lui accorde des jachères calmes, où elle peut se refaire des herbes sauvages et des fleurs pendant toute une saison. Ainsi, sous cette parure souvent épineuse, elle recompose en silence ses couches d'humus nourricier et ses veines d'eau.BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 85.— P. méton. Terre en cet état. Labourer des jachères. Je ne vois point de jachères; je n'aperçois que des prairies, des bois et des champs; partout où un épi a pu pousser, on a semé un grain de blé (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 3). La jachère de l'an dernier couverte d'une herbe plate (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 40).— P. ext. Terre abandonnée, mal entretenue. Synon. friche, lande. Au sortir de ces bois frais et touffus, une jachère crayeuse où sur des mousses ardentes et sonores, des couleuvres repues rentrent chez elles (BALZAC, Lys, 1836, p. 118). Un énorme pan de pierre brute sur quatre autres pans au milieu d'une jachère d'herbes folles et de clochettes bleues (POURRAT, Gaspard, 1922, p. 243).B. — P. anal., littér. État d'une chose ou d'une personne dont on ne tire pas parti, à qui l'on ne demande pas ce qu'elle pourrait donner. En ce moment il n'écrivait à personne (...) il avait mis tous ses amis en jachère (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1450).Prononc. et Orth. : [
]. Ac. 1694, 1718 jachere; 1740 : -é-, ensuite -è-. Étymol. et Hist. 1. [1172, 1193 lat. médiév. gascheria, gascaria « terre labourée, non ensemencée pour la laisser reposer » (Compiègne, Beauvais ds BAMBECK Boden, p. 93)] ca 1200 gaschiere (GRAINDOR DE DOUAI, Jerusalem, 931 ds T.-L.); 2. 2e moitié XIIIe s. jussiere « état de cette terre » (J. DE BAISIEUX ds A. SCHELER, Trouvères belges, éd. 1876, p. 212, 225); 1276 gaskiere (ADAM DE LA HALLE, Congés, éd. P. Ruelle, 72, p. 131). Terme localisé dans le nord du domaine d'oïl : wallon, pic., norm. (FEW t. 4, p. 53b-54a), d'orig. obscure. D'apr. J. U. HUBSCHMIED ds Vox rom. t. 3, p. 123, note 3 (hyp. reprise par FEW; v. aussi DEAF, s.v. ganche), il serait d'orig. gaul., issu d'un dér. en -aria, peut-être déjà gaul., de gansko- « charrue », terme désignant à l'orig. une branche; gansko- (d'où l'irl. gesca « branche ») serait dér. de ganku, kanku, d'où l'irl. géc, le cymrique cainc « branche ». Le lat. class. vervactum « jachère », v. guéret, cité par Hubschmied à l'appui de son hyp. ne peut cependant pas convenir, ce mot d'orig. inc. n'étant pas issu de veru-actu proprement « cultivé avec la branche, la pique, le soc », v. ERN.-MEILLET s.v. Fréq. abs. littér. : 81.
DÉR. Jachérer, verbe trans., rare. Labourer une jachère. (Ac. et Dict. XIXe et XXe s.). — []. Att. ds Ac. dep. 1798. — 1res attest. 1255 lat. médiév. terras gacheratas (Charte de l'archevêque de Rouen, Arch. Nat. JJ 1245, fol. 167 r° ds DU CANGE, s.v. gacerare; cf. ghaskerer, s.d., ibid., s.v. gascaria), 1357 terres gascherees (Arch. Nat. MM 28, fol. 56 v° ds GDF.); de jachère, dés. -er.
BBG. — SAIN. Sources t. 1 1972 [1925], p. 154; t. 2 1972 [1925], p. 279, 285.jachère [ʒaʃɛʀ] n. f.ÉTYM. 1690 (jussiere, gaskiere, XIIIe); gaschiere « terre labourée non ensemencée », v. 1200; jachiere « terre labourée », v. 1175; lat. médiéval gascheria, gascaria (attesté XIIe), à l'origine duquel on suppose un t. gallo-roman ganskaria, du gaulois gansko- « branche; charrue »; le mot est apparu dans le domaine normanno-picard et wallon.❖♦ Technique (agriculture) et courant.1 État d'une terre labourable qu'on laisse temporairement reposer en ne lui faisant pas porter de récolte. || Alternance de culture et de jachère. ⇒ Assolement. || Jachère complète, annuelle ou morte. || La demi-jachère; jachère qui dure de deux à huit mois. || Jachère d'été, d'hiver. || Jachère forestière (dans les pays tropicaux).0.1 Les jachères, selon Bouvard, étaient un préjugé gothique. Cependant, Leclerc note les cas où elles sont presque indispensables. Gasparin cite un Lyonnais qui pendant un demi-siècle a cultivé des céréales sur le même champ; cela renverse la théorie des assolements. Tull exalte les labours au préjudice des engrais; et voilà le major Beatson qui supprime les engrais, avec les labours !Flaubert, Bouvard et Pécuchet, p. 88.♦ ☑ Loc. En jachère. || Laisser une terre en jachère.1 (…) la moisson faite, on laisse la terre en jachère et l'on creuse ailleurs d'autres sillons.Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 182.2 Quand une terre a été appauvrie par des récoltes successives, on peut lui rendre une partie de sa fertilité en la mettant en jachère, c'est-à-dire en ne lui faisant pas porter de récolte pendant une année ou une fraction d'année, et en consacrant ce temps de repos à des façons culturales (labourages, hersages, roulages, etc.), qui ont pour effet d'ameublir le sol, de le rendre plus léger, de le nettoyer par la destruction des mauvaises herbes.P. Poiré, Dict. des sciences, art. Jachère.♦ (Fin XIXe). Figuré :3 Il lui rappelait qu'en ce moment il n'écrivait à personne, qu'il avait mis tous ses amis en jachère.Montherlant, les Lépreuses, II, XIV, p. 147.2 (XIVe; jachiere, v. 1265). || Une, des jachères : terre en jachère (⇒ Guéret). || Emblaver, labourer des jachères (→ Fauchaison, cit. 1). || Une jachère crayeuse (→ Couleuvre, cit. 1). || Troupeau qui mange dans les jachères et dans les friches (cit. 3).❖CONTR. Culture.DÉR. Jachérer.
Encyclopédie Universelle. 2012.